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Faunabetse
1 novembre 2016

Saison des pluies sur son banc

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Je me suis juré de sécher les cours que les matins, ou il pleut.

La saison des pluies a commencé, il pleut tous les jours, pas tous les matins.

Chaque soir, je pris que la pluie tombe au matin, pour m’asseoir sur son banc, avec lui.

Le matin au réveil, un bruit d’eau dans les flaques, les volets s'ouvrent lentement, il pleut, je souris. Je m’empresse de me dépêcher pour ma matinée de sèche. Pour courir et le regarder sur son banc, assis.

Douché, habillé, chaussé, prêt. Je prends mon sac sur le dos et sors, sous la pluie. Le manteau oublié, je cours pour rejoindre ce banc au plus vite. Je suis trempé, mais je m’arrête non loin, discrètement. Il est là, assis sur le banc sous la pergola comme tous les matins, même ceux ensoleillé. Je reste seul, je reste sur place, je l’observe, il pleut sous ses yeux, je rêve, j’imagine.

Il pleut, l’eau ruisselle de mes cheveux à mon dos, les gouttes glaciales devraient me faire me dépêcher de le rejoindre, mais immobile, je l’observe, sans être discret.

Il m'a vu, la pluie ne coule plus sous ses yeux. J'ai droit à un regard discret, il fait semblant de ne pas m’avoir vu, je fais semblant de ne pas savoir.

Mon cœur bat à mille nœuds, je l’observe de haut en bas, je scrute chaque centimètre de son corps, chaque mouvement. L’envie de l'enlacer contre moi monte, l’envie irrésistible d'essuyer ses yeux. Je vois sa souffrance que je ne comprends pas, j’aimerais un instant lui voler, pour la comprendre, pour le soulager.

À coller à cet arbre, ne me protègent pas de la pluie, immobile, j’attends, j’attends le signe qui me dira d’approcher, j’attends ce regard qui saura que je dois venir. J’attends que l’eau l'imprègne un peu plus, je le laisserai s’occuper de moi, me sécher, pour détourner sa souffrance, pour changer les idées. J’attends-moi sous cet arbre, lui assis son banc de la pergola.

Je ne connais rien de lui, pas son nom, pas son âge, pas ses rêves, ni ses passions. Mais irrésistiblement, je suis attiré vers lui.

L’eau du lac à glacé à la surface, on entend les gouttes d'eau chanter à son contact, une douce mélodie ! Mon regard s’est tourné sur la glace pour la voire danser, chaque goutte à son son, sa note. Mon cœur vibre à chaque contact. Un frisson dans le dos. Le froid me gagne.

Je commence à avoir froid, je suis congelé. Mon regard repart sous la pergola, personne, il est parti, je ne l’ai pas vu, pas entendu, une larme coule de mes yeux.

À cet instant, je sens une main se poser sur mon épaule, une autre main sur l’autre épaule, un manteau chaud entre les deux. Je me demande si c’est bien lui, je le sais, j’en suis sûr, mais je ne bouge pas, j’aime cette sensation, j’aime ce geste, je le voudrais éternel.

Un bras passe devant moi, je le sens me serrer tout contre lui, je sens sa chaleur contre moi, mon cœur ralenti au rythme du sien. Nous sommes tous deux en paix, la pluie tombe toujours, un souffle à mon oreille, quelques mots, j’entends, ils m’invitent à rejoindre ce banc, au sec. Un second bras m’enlace, me serre un peu plus, je souffle de bien être, je n’ai pas envie de bouger, je suis bien dans ses bras. Je suis bien avec lui dans mon dos, serré tout contre moi. La pluie ne me gêne pas, le froid ne me dérange plus. Juste sa chaleur contre moi, son souffle dans mon coup, j'entends des mots, je ne sais s’ils sont réels, je ne les comprends pas, je n’ai pas envie de changer, je suis bien.

Je le sens lentement grandir contre moi, ses bras me serrent un peu plus. Des mots à l’oreille, je comprends, banc, pluie, sec, je réponds que je ne veux pas bouger. J’entends dans un souffle un « je t'observe depuis quelques jours m'observer ». Je fonds.

Il se retourne, on est face à face, juste quelques centimètres, mes yeux se perdent dans les siens, sur ses lèvres. Somptueuses, je me retiens.

Je craque, on va s’asseoir sur son banc sous la pergola. Je garde son manteau, j'aime cette odeur, la sienne !

Assis l’un en face de l'autre, les yeux dans les siens, dans les miens. On entend juste le silence de la pluie bruyante, celle qui chante sur les feuilles des arbres. Immobile personne ne bouge, si une main, la sienne. 

Je la vois avancer centimètres par centimètres vers la mienne, je ne bouge pas, j’hésite, j’avance ou pas la mienne. Une lueur dans ses yeux, je retourne ma main, pomme en l’air. Je sens un toucher au bout de mon majeur, un doigt incertain, il hésite, je flippe, je le voudrais plus loin. Je lui envoie un petit sourire, pour lui dire oui. 
Son doigt hésitant avance, doucement, bientôt au centre de ma pomme, lui permettant de poser les autres doigts. Un soulagement, pour lui. Un stress pour moi, la première fois d’une émotion nouvelle, une envie de la connaître jusqu'au bout. Sa main sur la mienne, je ne bouge pas, pas un souffle, je n'entends plus un bruit, la pluie est devenue silencieuse, je n’entends que le son de mon cœur qui bat, un peu trop fort.
Je me suis perdu dans son regard, j’apprends à le connaître sans un mot. J’y découvre un être superbe, un don j’ai envie de connaître chaque recoin. Je me sens l’aimer au plus haut point. 

La pluie a cessé depuis un moment, aucun de nous ne l'avait vu. Les deux ont raté l’arc-en-ciel se dessiner dans le ciel, aucun n’a entendu les oiseaux siffler. Les deux ont juste lu le regard de l’autre.

Les lumières au loin s’illuminent, la journée fait place à la soirée et les deux n’ont toujours pas bougé, on s’est juste endormi dans ce regard. La nuit tombe, le regard n’a pas changé. La faim se fait ressentir, le repas d’hier soir est loin maintenant, il faut rentrer pour en prendre un nouveau. Mais impossible de le quitter, impossible de partir, seul, sans son nom.

Chaque matin, que la pluie soit présente ou absente, c’est à lui que mes pensées s’envolent.

 

 

Histoire écrite en regardant The garden of words de Makoto Shinkai 

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Commentaires
A
Superbe texte.
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