Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Faunabetse
23 décembre 2016

Neuf mètres carrés

architecture-1914309_640

 

Mon neuf mètres carrés, le mien, à moi. Absolument identique, à celui de mon voisin.
Tout y est, rien ne manque. Ou presque.
Le lit, coincé dans l'angle du mur, pas très grand. Juste assez pour une personne. Pas de quoi s'amuser à deux, ou bien collé, ou l’un dans l’autre.
Collé aux pieds du lit, un bureau, presque aussi grand que le lui. Mieux rangé quand même. Chaque chose à sa place, avec lui. J’y passe beaucoup de temps, pas assez à croire mes évaluations.
La petite salle de bains. Un lavabo, tout petit. Une douche, toute petite. Un meuble pas très grand. La douche, mes coudes cognent les parois, à chaque mouvement. L’eau y est bien chaude tout comme je l’aime. Un plaisir, j’y reste longtemps, très longtemps chaque fois que je m’y arrête.
La minuscule fenêtre n'offre pas une grande vue, juste un mur à observer. Tout y est sombre, le soleil n’entre jamais, à croire qu'il fuit mon bureau. Le seul rayon de soleil, mon téléphone, quand il sonne. Dommage, il est bien trop souvent muet.
La cuisine, plus loin, en bas, de l’immeuble. La cuisine à partager, avantages et inconvénients, inexplicables. On y fait de drôle de rencontre, certaine à prolonger volontiers.

Cloîtré depuis deux semaines dans mon neuf mètres carrés. Il faut que je sorte. Que je prenne l’air.
Le soleil du sud brille. La pluie bretonne est loin. Je décide de partir, de sortir un peu.
Je prends mon sac, mon blouson, j'enfile mes chaussettes, mes chaussures. Écouteur dans les oreilles, Deadmau5, je monte le son. Je prends mes clefs et passe la porte. Je donne un tour de clé puis deux. Puis, je descends lentement les escaliers.

Un truc tape à l'esprit. Un truc qui manque. Je ne sais pas. Je continue. Je descends les marches. Je suis en bas, devant la porte.
Je vois au travers ce regard perçant, celui que j’aime bien et… Souvenir. Rappel. J’ai juste oublié l’appareil photo. Il est posé sur le bureau. Je fais demi-tour.

Je remonte les marches. Je pense à ce regard. Je l’aurais bien suivi. Je l’aurais bien pris en photo. J’aurais bien discuté, un peu, avec son propriétaire.
Je continue mon ascension, vers mon neuf mètres carrés. Je suis devant la porte, la mienne, cette fois.
Je cherche comme toujours mes clés. Pas dans la poche droite, ni la gauche. La veste poche droite, poche gauche, rien. Je commence à stresser. Je me rappelle pourtant bien avoir tourné les clés dans cette serrure. Je cherche. Je réfléchis.
Puis..., j'entends qu’on m’appelle, c'est le voisin sympa mais un peu chiant. Il a mes clés, encore une fois. Encore une fois, je les ai laissés sur la porte, trop pressé de partir. Mais ouf, rassuré.
Allée, je récupère l’appareil photo et je repars. Euh… non… demi-tour. Dans mon sac, je rajoute une bouteille d'eau, un paquet de granola, une pomme et ça devrait suffire pour une petite heure de ballade.

Je repars. Je ferme tout. Je range les clés, dans la petite poche du sac à dos. Je mets l'appareil photo autour du cou, sous le bras, prêt à servir. J’ai vérifié, la batterie est pleine, la carte mémoire est vide.
J’arrive à la porte du bas, celle de l’immeuble. Je sors. Je tourne à gauche. Le gars au regard est là. Il attend, adossé contre le mur. Il est superbe. Je baisse les yeux et continue ma route, mon chemin vers je ne sais où. Aucun itinéraire prévu, j'improvise à chaque pas.
J’entends un "lâche" dans ma tête. Mon inconscient qui me parle. À ce même moment, ma tête se baisse encore plus. Un sentiment de honte me remplit. Je jette un coup d'œil en arrière, personne, tant mieux ou… tant pis.
Triste, je poursuis mon chemin et regarde le paysage.


J’arrive sur un pont. Au loin, une cathédrale éclairée, en rouge et vert, c’est noël. Je m’arrête un instant, pour observer. Je vois pleins d’histoire. J’ai les yeux qui brillent, je m'émerveille.

Je cherche quelle photo prendre ? Quel angle ?
Je prends l’appareil photo en main. Je pose un genou au sol. J’appuie mes poignées sur la rambarde du pont. Je pose l’appareil. Je règle le zoom. Je change d'angle. Je change mon zoom. J'appuie. Je bouge un peu. Je ré-appuie. Je décolle mon genou, quelques centimètres. Je vois une photo, la photo que je veux. J’essaie de tenir la position. Je règle mon zoom pas trop gros. J’appuie. J’en prends une autre. Puis, une trentaine de photos plus tard mon genou revenue au sol, je me lève. Je m'aperçois que j’ai pris pas loin de cinquante photos. Que ça fait une heure que je suis là. Le temps s’est comme arrêté. J'adore. Je continue. Je repars. Je reprends mon chemin, inconnu.

J’arrive à la fin du pont. Un escalier à droite, il amène aux bords de Seine. Je réfléchis… Je descends ... Je pars longer la Seine et chasser les coins à photos. Il est 19h la faim est là. Je me pose sur le banc, face à l’eau. J’ouvre mon sac, je prends les granola et… je pense à lui en en avalant un.

Je suis dans mes songes, depuis plusieurs minutes. Le chocolat a fondu sur mes doigts. J'entends des bruits. Le bruit du vent sur les vagues, sur les feuilles dans les arbres. J’entends des bruits, mais je reste dans mes pensées. Je suis immobile, face à l’eau, sur mon banc, je pense.
Je pense, à tout. Je pense, à rien. Je pense, à lui. J’imagine des scènes, sur les rives de la Seine ma main dans la sienne. Je pense à cette ballade. Celle que je fais seul. Celle que j’aimerais faire avec lui.
Je pense à lui, sans le vouloir, sans le savoir. Je pense à lui qui n’a pas de visage, mais qui hante mon esprit.

Un bruit un peu fort. Un bruit d'ailes d’oiseaux. Je me réveille, sans sursaut. Un corbeau assis sur le banc, à côté de moi. Il épie le granola. Je murmure un "il ne faut pas rêver corbeau". Je ne bouge pas. J’aime bien cette scène, dommage que je ne puisse la photographier. On reste là quelques minutes. Lui observe le granola d’un œil, l’autre est sur moi bien attentifs à mes mouvements.
Moi, je fais attention à ne pas bouger. Je prends plaisir à l'observer. Je me demande s'il va essayer ou pas et ce que je vais faire. Je souris en voyant la seine douce, comme si elle nous observer aussi.
Un passant qui passait, s’arrête. Il observe la scène discrètement, en silence. Il avance, doucement. Le corbeau l’a vue, en une seconde, il tourne la tête, prend peur et s’envole.
La scène était superbe. Dommage, un pas de trop. Le passant s’excuse, et repart comme s'il n’y avait rien eu, dommage. Je ne dis rien, je le laisse partir.

La nuit est tombée. Il est presque 20h. J’ai faim. Je me lève et reprends mon chemin le long de la seine.
Les ponts s'éclairent un à un. Les berges s’illuminent ensemble. Un spectacle à revoir. Je prends mon appareil photo et en cherche une à capturer, un sourire à prendre, une émotion à raconter. Je continue mon chemin, sans destination précise. Attendu nulle part, je pars à sa rencontre.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Archives
Newsletter
Publicité